POEME

Nous quittions deux fois par an, pour six mois, notre abri douillet le long du Scorff
Et notre bon port d’attache de Lorient, notre ville,
Pour aller rejoindre sur les bancs de Terre-neuve, du sud du Groenland et de la mer de Barentz
Les hommes de la mer, ceux du Grand Métier,
Les marins de Fécamp, Saint-Malo et Bordeaux
Qui nous attendaient là-haut, au Nord...
Ils s’appelaient les Pleven… le Capitaine et le Pierre
Et aussi le Bois Rosé et le Marion de Procée
Et tous les autres dont je n’ai plus le nom en tête
Nous étions le fier vaisseau de la Marine nationale, le Commandant Bourdais
Numéro F740 flanqué sur les deux bords et sur notre arrière
Et la plus longue flamme de guerre de la Royale
Pour rappeler nos jours passés en mer, sans la terre, sans le soleil.
Nous ne gagnions pas beaucoup
Mais sur nos manches brillaient nos galons de laine rouge,
Et malgré le froid, la nuit et la neige et le risque,
Jamais aucun sac de courrier n’est tombé à l’eau
Pour les hommes en pêche qui attendaient des nouvelles de leurs familles
La-bas à Fécamp, Saint-Malo et Bordeaux
Nous n’avions rien, mais sur les chalutiers
La chaleur et l’amitié étaient gratuites,
Et jamais nous ne nous sommes manqués en mer.
Nos canons n’ont jamais beaucoup tonné
Mais la manœuvre en travers pour protéger les hommes en pêche
Ne nous a jamais fait peur
Et Saint Johns et Saint Pierre
Nous faisaient nous retrouver ensemble
Dans le roulis de l’amitié des gens de mer et du travail dur mais fait.
J’avais 19 ans et eux aussi,
Terre-neuvas comme eux je suis, et bon temps bonne mer pour toujours.